Pic de forme et affûtage

Les beaux jours arrivent et il va être temps de retrouver (ou découvrir) parcs à vélos et aires de transitions pour le démarrage de la saison. Si vous avez bien suivi les conseils des entraîneurs, vous avez démarré votre préparation à la mi-novembre de l'année dernière. Les séances d'entraînement hivernales ont d'abord été axées sur le travail foncier lent et extensif avec quelques piqûres de rappel intensives (au stade ou en compétition de trail).

Depuis mars, les séances intensives se sont multipliées dans les trois disciplines à l'approche de la saison de compétition. En natation, vous avez enchaîné les séries VMA et allure course. Sur la piste, vous avez alterné seuil et tempo. En vélo, vous avez additionné répétitions de bosses, travail en PMA et position aéro...

Pour celles et ceux qui ont axé leur plan d'entraînement pour être au top fin mai - début juin, la préparation touche à sa fin et les longues semaines de travail vous ont amené(e) à un niveau de forme presque optimal qui vous permettra d'atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés. Vous allez maintenant aborder la dernière ligne droite, mais attention à bien respecter certaines règles pour ne pas mettre en péril toutes les heures accumulées et passer à côté des performances escomptées... car arrive le délicat moment de la phase d'affûtage, qui doit amener au pic de forme la semaine S et même le jour J si tout se passe bien.

L'affûtage est la dernière étape de la construction entreprise six mois plus tôt. Son but est d'arriver à une augmentation des capacités physiques appelée "surcompensation". Après une période de travail longue et volumineuse, si l'on laisse la possibilité à l'organisme de récupérer, celui-ci vous permettra en retour d'élever votre niveau physique au-dessus du dernier pallier atteint à la fin de votre cycle d'entraînement, que ce soit en force, en endurance ou en explosivité. C'est un travail d'orfèvre qui nécessite d'être à l'écoute de son corps pour augmenter ses acquis sans générer de fatigue supplémentaire. Il s'agit au contraire de retrouver de la fraîcheur puisque l'intensité et le volume des dernières semaines ont pu produire un émoussement tant sur le plan physique que mental.

L’affûtage ne doit être ni trop long pour ne pas perdre en forme, ni trop court pour permettre une récupération suffisante et bénéficier des effets de la surcompensation. N'hésitez pas à consulter les entraîneurs pour caler au mieux votre charge de travail avec eux et rectifier votre plan d'entraînement le cas échéant (à la baisse neuf fois sur dix!). L'affûtage ne doit jamais dépasser deux semaines (pour les longues distances). Le plus souvent, une dizaine de jours suffisent, voire une semaine pour les néophytes sur distance Sprint si la charge d'entraînement était déjà "light".

Durant cette période, plusieurs règles de base doivent être respectées :

1/ La charge globale d'entraînement doit être sensiblement réduite en volume. Il faut aller jusqu'à diminuer par deux le kilométrage hebdomadaire vélo pour les objectifs de longue distance.

2/ En parallèle, il faut maintenir une forte intensité une séance sur deux (au moins 92 % de la fréquence maximale cardiaque) pour conserver le bénéfice aérobie acquis. Diminuer simultanément le volume et l'intensité pendant deux semaines vous ferait régresser et perdre vos allures de compétition.

3/ Evitez de programmer deux jours consécutifs d'entraînement intensif. Une journée d'entraînement intensif doit être suivie d'une journée d'entraînement à intensité réduite.

4/ Il est souhaitable de consacrer un jour par semaine a la récupération. Pensez à écouter votre corps et les signaux qu'il délivre mais que vous ne savez pas toujours détecter!

5/ Veillez à la qualité de votre hygiène alimentaire (voir les articles consacrés à la nutrition) et adoptez un mode de vie où le sommeil est primordial. N'oubliez pas le rôle clé de l'hydratation.

6/ Faites preuve d'adaptabilité et de flexibilité face aux circonstances. Si la météo ne permet pas la sortie vélo prévue, annulez-la plutôt que de rouler sous l'orage au risque de vous blesser et de pester contre les éléments en accumulant les pensées négatives! Si votre corps n'accepte pas les 3 x 6 minutes au seuil prévues, ralentissez et acceptez votre état de fatigue. Il vaut mieux en faire moins que trop durant l'affûtage. D'ailleurs, on a souvent constaté qu'un athlète forcé à l'arrêt par une blessure bénigne obtenait de bien meilleurs résultats dès son retour.

A partir de ce canevas, le programme des deux dernières semaines variera en fonction du niveau personnel et du type d'objectif. Si vous vous alignez sur distance Ironman, la filière aérobie est très importante et vous devrez maintenir des entraînements en endurance jusqu’à trois jours avant la compétition en jouant sur les temps de récupération. Au contraire si votre objectif est sur distance S ou M, vous privilégierez la technique de nage et la qualité de la foulée sur des entraînements à allure 100% course mais plus courts jusqu'à J-5.

Les entraîneurs s'accordent pour dire que la dernière grosse sollicitation doit se faire entre dix et sept jours avant la course. Certains préconisent de participer à un triathlon Sprint (pris comme un entraînement) le samedi ou dimanche précédant l'objectif pour effectuer les derniers réglages. A J-3, vous pouvez effectuer une dernière séance tranquille et courte dans les trois disciplines. Repos complet à J-2, c'est le moment de faire du tourisme et de "s'aérer les neurones" si vous avez couplé objectif et dépaysement géographique. A J-1, dernière sortie vélo souple (reconnaissance partielle du circuit si vous êtes déjà sur le lieu de compétition) et footing léger. La natation qui sollicite plus les filières énergétiques doit être réservée aux excellents nageurs.

Jour J : si vous avez appliqué toutes les règles énoncées, vous allez constater d'après les études scientifiques un gain de performance variant entre 3 et 10% selon votre niveau physiologique! Vous ne regretterez pas les efforts consentis et les contraintes imposées au niveau du travail et/ou de la famille...

Si votre saison comporte plusieurs objectifs espacés, vous devez d'abord favoriser la récupération et recommencer ensuite un nouveau cycle de préparation. Si vous souhaitez bénéficier de votre pic de forme pour enchaîner deux objectifs majeurs sur distance courte en deux week-end, effectuez une séance légère de natation à J+1, reposez-vous à J+2 et reprenez des séances souples à J+3 avant de lâcher les chevaux une dernière fois le jeudi...

L'affûtage est la dernière pierre de l'édifice annuel, la clé du succès, qui permet la décompression pour recharger les batteries et arriver au maximum de ses potentialités physiques, techniques et mentales le jour de la compétition. N'oubliez pas : le pic de forme, c'est au moins 103%!

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